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Trois questions à… Christophe Labattut – IA et QVCT

17.06.2024
IA et QVCT - 3 questionsà Christophe Labattut, Responsable Pôle QVCT ACCA Professionnels - Alixio Group Juin 2024

Les progrès fulgurants qu’a connu l’intelligence artificielle générative ces derniers temps ont relancé les spéculations sur la disparition prochaine de nouveaux contingents de métiers.

Sujet technique ? Sujet humain !

Comment la peur d’être remplacé demain par une machine pèse-t-elle sur la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) ?

Mise au point avec Christophe Labattut, Responsable du pôle Santé au travail et QVCT chez ACCA Professionnels.

L’arrivée en fanfare de ChatGPT dans les entreprises il y a un peu plus d’un an a suscité de l’enthousiasme, mais aussi pas mal d’inquiétudes : est-ce que les métiers les plus qualifiés sont aussi maintenant en danger ? Fantasme ou réalité ?

Christophe Labattut. Il faut commencer par remettre les choses en perspectives. Avec les IA génératives du type ChatGPT qui s’améliorent à grande vitesse, ce sont maintenant les métiers qualifiés, dans les services et dans les fonctions support notamment (journalistes, consultants, contrôleurs de gestion, etc.) qui se retrouvent impactés par cette révolution technologique. Mais de là à craindre la disparition pure et simple de certains métiers ? Il faut prendre garde aux discours catastrophistes, je préfère parler de transformation.

La généralisation de l’IA s’inscrit dans un processus au long cours, celui de l’automatisation et de la robotisation, à l’oeuvre depuis longtemps dans l’industrie ou encore la logistique.

Or, ce qui se passe dans ces secteurs est riche d’enseignements. Prenez par exemple la grande distribution : aujourd’hui, les entrepôts les plus récents tournent avec trois fois moins de personnel qu’il y a quelques années. Les drives des grandes surfaces fonctionnent aujourd’hui avec 5 à 10 personnes, alors qu’avant, pour faire le même travail, il fallait facilement 50 personnes…

Mais dans le même temps, il y a des phénomènes inverses : on pensait qu’il n’y aurait plus d’hôtesses de caisse, et plus que des caisses automatiques… Eh bien aujourd’hui, les grandes surfaces réembauchent des caissières ! Pourquoi ? Parce que le contact humain est irremplaçable. C’est donc plus compliqué qu’il n’y paraît : l’IA n’est intelligente que si l’être humain la nourrit. Elle dégrossit le travail, permet de consolider des données, mais à la fin, on aura toujours besoin de l’expertise humaine, de sa souplesse et de sa capacité à s’ajuster face à la nouveauté.

Comment cette perspective pèse-t-elle sur le moral des salariés au sein des entreprises ?

Christophe Labattut. Bien sûr que l’arrivée de l’IA dans les entreprises va bousculer les habitudes, et que cela peut parfois faire peur aux salariés. En termes de QVCT, je vois au moins trois facteurs de risque.

Tout d’abord, le sentiment d’une perte d’autonomie et d’une dévalorisation de ses compétences de la part du travailleur.

Ensuite, le risque de voir se multiplier les conflits de valeur, avec à la clé une perte de sens au travail et la montée d’une impression d’inutilité.

Enfin, l’incertitude dans l’activité, et la crainte d’être peut-être demain remplacé à 100% par une machine.

Tout cela vient s’ajouter au climat déjà anxiogène – politique, économique, écologique – qui existe hors de l’entreprise.

Les entreprises doivent donc prendre sujet au sérieux. Je le vois moi-même dans mon travail : chaque fois que je trouve un outil bien conçu pour soulager mes collaboratrices et collaborateurs des tâches les plus rébarbatives, il y a toujours la crainte chez ces derniers de se retrouver dépossédés d’une partie de leur métier… Alors que le but, c’est justement de leur permettre de se concentrer sur les tâches à forte valeur ajoutée !

C’est d’ailleurs un facteur de risque supplémentaire : si on ne concentre le travail que sur les seules tâches à forte valeur ajoutée, le danger est d’accroître la charge mentale des salariés et de les épuiser plus rapidement. On ne peut pas tourner à plein régime 100% du temps !

Mais il y a donc des bénéfices à l’arrivée de l’IA dans une entreprise. Comment accompagner les salariés dans cette mutation ?

Christophe Labattut. Oui, il y a évidemment des bénéfices, et ils sont nombreux : déjà, comme je vous le disais, la suppression des tâches redondantes, rébarbatives, ingrates… C’est une bonne chose, non ?

Cela va permettre aux travailleurs de se concentrer sur leur coeur de métier et de développer de nouvelles compétences.

L’autre bénéfice que je vois, c’est l’optimisation de la planification du travail. Il va devenir possible d’assigner les tâches en fonction de chaque salarié, de ses compétences et de ses préférences. J’y inclus les horaires de travail, qui pourront être modulés en fonction du rythme de chacun. Bref, si elle est choisie et partagée, cette optimisation peut déboucher sur un surcroît de liberté et un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle pour les salariés, et donc, in fine, sur des gains de productivité dans les entreprises : tout le monde y gagne.

Mais pour que tout cela porte ses fruits, j’insiste : il va falloir que les entreprises s’emparent sérieusement du sujet et soignent l’accompagnement de leurs salariés. L’opportunité qu’offre l’IA, ce n’est pas de substituer des machines à des femmes et des hommes dans une logique de cost killing, mais bien de jouer sur la complémentarité entre intelligence humaine et intelligence artificielle pour créer un nouveau binôme entre le travailleur et la machine. C’est ainsi qu’on donnera du sens à la révolution en cours !

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