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Loi Florange, 10 ans après – Entretien avec Yann Morvan.

24.06.2024
Loi Florange , 10 ans après sa promulgation. Yann Morvan, Alixio Revitalia - juin 2024

C’était il y a dix ans : dans le sillage de la très médiatique fermeture des deux hauts fourneaux d’ArcelorMittal en Moselle, la loi Florange était promulguée, et les entreprises de plus de 1000 salariés devaient désormais obligatoirement chercher un repreneur avant de pouvoir envisager de fermer un site. Quel bilan peut-on dresser à ce stade ?

Mise au point avec Yann Morvan, directeur Associé & co-fondateur d’Alixio Revitalia.

Après une décennie, quel bilan dressez-vous de la loi Florange ?

Yann Morvan. Déjà, rappelons dans les grandes lignes les règles que fixe la loi Florange : une entreprise qui engage une procédure sociale sur l’un de ses sites a l’obligation de rechercher un repreneur. Cette obligation court pendant toute la durée de la consultation de la procédure sociale en question, soit entre deux et quatre mois.

Il faut bien comprendre que c’est un laps de temps particulièrement court si on le rapporte à l’ambition affichée du dispositif. Donc si je devais en faire un premier bilan rapide, je dirais que c’est un processus légal qui est désormais bien connu et maîtrisé par les entreprises, et qui suscite de fortes attentes de la part des représentants du personnel. Il y a eu de beaux succès, mais la loi Florange n’est pas une formule magique, et le taux de réussite se situe quelque part entre 10% et 20%.

Le problème, c’est qu’il y a eu dès le départ une certaine forme de sur promesse : la loi Florange devait presque enrayer à elle-seule le processus de désindustrialisation. Or, c’est une brique au service de cet objectif, mais elle ne peut pas tout.

Il faut également relever que si la loi a été pensée avec les grandes entreprises industrielles en ligne de mire, elle est aujourd’hui fréquemment appliquée dans le secteur tertiaire, et parfois dans des petites entités d’une dizaine de salariés à peine… Il n’est pas rare qu’on lance une procédure Florange sur de simples boutiques, toujours par souci de sécurité juridique.

Avec le recul dont vous bénéficiez maintenant, quels sont selon vous les avantages (et les défauts) de cette procédure ?

Yann Morvan. Il faut distinguer plusieurs situations : la recherche d’un repreneur qui opère dans le même secteur d’activité, la substitution d’une activité à une autre et la reconversion industrielle.

Environ 90% des missions que nous menons chez Revitalia sont en fait des opérations de substitution ou de réindustrialisation. La recherche du repreneur peut sembler à première vue l’option la plus simple, mais c’est une impression trompeuse pour au moins deux raisons. La première, c’est qu’une entreprise qui lance un plan social a généralement déjà envisagé la cession d’activité, et que si elle en est là, c’est que cela n’a pas fonctionné. La deuxième, c’est qu’on ne peut pas obliger une entreprise à revendre une activité à un concurrent direct : le droit d’entreprendre prime sur la loi Florange, et heureusement !

Une fois ce cadre posé, je dirais que le principal défaut du dispositif, c’est la brièveté des délais sur lesquels il s’exerce : en deux mois, il est très difficile de réussir une opération de réindustrialisation.

Au rang de ses qualités, j’évoquerai sa capacité à organiser le passage de témoin entre les grands groupes et le tissu des PME/ETI. Je m’explique : quand une activité industrielle détenue par un grand groupe part au tapis – et nous risquons malheureusement de voir ces situations se multiplier dans les mois qui viennent – la bonne solution de reprise se trouve souvent du côté des PME/ETI.

Tout le monde y trouve son compte : pour une PME, une loi Florange est souvent l’occasion d’acquérir un site, des infrastructures et du personnel qualifié pour un coût raisonnable et d’accélérer au passage son développement, et le grand groupe, de son côté, évite d’écorner son image. Sonder le tissu économique des PME/ETI pour identifier les bons repreneurs potentiels (qui sont généralement sous les radars) constitue d’ailleurs une part essentielle de notre métier.

Vous évoquiez tout à l’heure de belles réussites… Pouvez-vous nous en dire plus sur ces dernières ?

Yann Morvan. Bien sûr. Il y a déjà la toute première application de la loi Florange dès 2014, qui a très bien fonctionné. Il s’agissait du dossier Panavi, un site de boulangerie industrielle situé en Haute-Vienne. Dans ce cas, il s’agit d’une substitution : Panavi n’aurait pas voulu céder son activité à une entreprise concurrente. Nous sommes donc allés chercher Gelpat, une société de pâtisserie industrielle originaire de Dordogne. Entre pâtisserie et boulangerie, l’appareil industriel et les compétences requises sont très similaires, mais pour autant, pas de compétition frontale entre les deux entreprises. À cette occasion, le repreneur a doublé ses effectifs et récupéré un appareil industriel de qualité, et aux normes. Une belle opération pour les deux parties.

Autre exemple, dans un tout autre secteur d’activité, celui d’un site de R&D de pointe en immunologie-oncologie qui appartenait au groupe Sanofi en Alsace. Le site en question a été repris par un CRO (un sous-traitant spécialisé dans la recherche dans le secteur pharmaceutique, ndlr.), Novalix. Ce dernier a réembauché les 60 salariés qui étaient employés auparavant sur le site, et le nouvel ensemble représentant environ 200 salariés, est devenu le siège social de la société par la même occasion. Cela leur a permis de passer un cap dans leur développement. Pour le cédant, l’opération revient à une externalisation de certaines activités de R&D, une tendance lourde dans l’industrie pharmaceutique en raison du cash burning considérable dont cette activité est le synonyme.

La réindustrialisation fait maintenant partie des objectifs les plus régulièrement mis en avant par les pouvoirs publics en matière de politique économique. La loi Florange est-elle toujours en phase avec les ambitions aujourd’hui affichées ?

Yann Morvan. Comme je vous le disais tout à l’heure, la loi Florange est une brique, pas une solution magique. Vous savez, je menais des opérations de réindustrialisation bien avant la promulgation de la loi Florange : c’était certes plus rare, cela coûtait assez cher et cela durait entre six et neuf mois, mais c’était à ces conditions que nous pouvions espérer des résultats.

L’inconvénient, c’est que la loi Florange a limité l’intérêt de ces opérations de réindustrialisation par anticipation. Les entreprises ont eu tendance à attendre d’en arriver à la procédure sociale et à se contenter de cocher la case de leurs obligations légales, sans plus. C’est dommage, car à mes yeux, la loi Florange peut être un très bon outil de réindustrialisation s’il est correctement anticipé.

Voici donc les principaux conseils que je donnerais aux entreprises concernées. Déjà, de veiller à la bonne application de la loi Florange, c’est une condition sine qua non pour sécuriser une procédure sociale. Ensuite, si la fermeture du site peut être anticipée, de lancer une recherche de repreneur confidentielle ainsi qu’une étude de faisabilité très en amont du déclenchement de la procédure Florange. Enfin, s’il n’est pas possible d’anticiper, d’attendre le lancement de la procédure sociale, mais de coupler la démarche avec l’obligation de revitalisation du territoire afin de se donner davantage de temps – entre 12 et 36 mois – pour éviter d’avoir à fermer un site, sans solution de reprise et en laissant derrière soi une friche industrielle…

Éviter la multiplication des friches était d’ailleurs l’un des objectifs de cette loi.

Un objectif d’autant plus critique maintenant que la loi Zero Artificialisation Nette est entrée en vigueur…

Yann Morvan. Absolument, et bien que la loi ZAN ait été très fortement assouplie ces derniers temps. Cela crée une incitation à mettre en place une sorte d’économie circulaire : les promoteurs de sites industriels ont tout intérêt à réutiliser les actifs industriels existants plutôt qu’à bétonner et artificialiser toujours davantage.

Cela peut également éviter de faire face à une opposition des habitants et/ou des associations locales : sur un site déjà industrialisé, le risque est bien moindre !

J’ajoute que dans certains territoires, le foncier se fait rare, comme dans la vallée du Rhône par exemple. Autant revaloriser les sites existants plutôt que de laisser se multiplier les friches. Sur ce point également, la loi Florange est une brique à prendre ne compte au sein d’un ensemble plus large.

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